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Article écrit par ARTHUR LE DENN dans Maddyness le 02/12/2021 ICI

Les postes de directeur de l’impact fleurissent dans les startups. La prise de conscience des acteurs de l’écosystème en matière sociale et environnementale les conduit à structurer leur stratégie, bien que les périmètres et moyens d’action restent flous. Un point fait toutefois consensus : la nécessité d’obtenir des certifications.

Ne pas réitérer les erreurs commises dans le passé. C’est, en somme, ce que mettent en avant les startups qui se saisissent des sujets à impact, tels que la transition écologique ou la responsabilité sociale. 

« Les startups sont les prochains grands groupes. Prendre le pli dès les premières années d’existence sous-entend que les règles de bonne conduite seront suivies par la suite » , expose Antoine Msika, responsable de la transition écologique de Shine.

La néo-banque est l’une des premières jeunes pousses à dédier un poste entier à cette question, depuis septembre 2021.

Mais elle s’inscrit dans une mouvance plus générale : OpenClassrooms a, dès le mois suivant, créé une direction de l’impact. « Cela devient un sujet incontournable dans l’écosystème. Quand je cherchais un poste dans ce domaine, il y a quelques mois, plusieurs postes étaient disponibles dans les entreprises du French Tech 120 » , relève Audrey Yvert, qui en est désormais à la tête.

Les périmètres d’action restent à délimiter

Pas plus tard que cette semaine, Contentsquare a annoncé avoir recruté l’ancienne directrice de la French Tech, Kat Borlongan, au poste de responsable de l’impact.

Et ces professionnels s’accordent à dire que le travail de structuration ne fait que démarrer. Si les thématiques de l’inclusion et la diversité, depuis tombées dans l’escarcelle d’Audrey Yvert, étaient déjà abordées par les ressources humaines d’OpenClassrooms, « tout reste à créer » sur le plan environnemental selon la directrice de l’impact.

« Les petits gestes pour la planète étaient déjà nombreux dans l’entreprise, note-t-elle. Il n’y avait plus de plastique à mon arrivée, et les salariés en télétravail se voyaient déjà rembourser la moitié de leur facture d’électricité si celle-ci est propre. » Pour réduire drastiquement l’empreinte carbone de la société, des actions plus fortes sont toutefois nécessaires. « Nous n’avons, à ce stade, que notre bilan carbone annuel. Il va falloir interroger tous les processus métiers pour faire la différence » , assure-t-elle, avec notamment le souhait d’améliorer l’efficacité énergétique des serveurs.

Les serveurs sont également en ligne de mire chez Shine, où Antoine Msika, précédemment responsable de la communication et des relations publiques au sein de l’entreprise, pointe aussi le fait que « tout est à inventer » . « Seule la philosophie est claire : mesurer et réduire notre empreinte carbone, en embarquant aussi bien les clients que les salariés. » 

La néo-banque a obtenu les certifications B Corp et 1 % pour la planète – ce qui l’engage à reverser 1 % de son chiffre d’affaires à des associations qui luttent pour la préservation de la planète. « Chaque année, nos clients attribuent à la structure de leur choix la moitié de la somme et nos 130 salariés affectent l’autre moitié » , pointe le responsable de la transition écologique qui, comme OpenClassrooms, relève qu’une « sensibilité » aux sujets RSE se fait sentir au sein de l’entreprise.

Son périmètre d’action, amené à s’élargir, dépendra de la manière dont se décompose l’empreinte carbone. L’implication des différentes équipes en dépend : « On a lancé une campagne de pub dans le métro parisien. Dès à présent, je confronte le marketing à ces problématiques afin que la prochaine puisse être plus vertueuse encore. »

Les certifications sont l’alpha et l’omega

Se tenant « ouverts aux propositions des salariés » , Antoine Msika et Audrey Yvert affirment ne rencontrer « aucune difficulté à trouver des gens motivés » pour prendre une part active dans la stratégie RSE de leurs entreprises respectives. « Ils semblent se satisfaire que de telles initiatives soient prises. C’est une fierté pour eux, car c’est rare que des entreprises de cette taille sanctuarisent un poste à cette cause » , note Antoine Msika, qui observe que les entreprises « attendent souvent que les obligations légales s’appliquent à elles à partir de 500 salariés » pour structurer cet aspect de leur activité.

OpenClassrooms, qui dispose du statut d’entreprise à mission, implique les représentants du personnel dans chacun de ses rapports annuels. « Des expertises utiles, disséminées à travers la société, sont les bienvenues » , indique Audrey Yvert, se réjouissant notamment de compter des salariés de nombreuses nationalités lorsque vient le moment d’aborder le thème de la multiculturalité.

La directrice de l’impact d’OpenClassrooms estime que le seul fait de consacrer un poste aux problématiques liées à la RSE « ne traduit pas une ambition. Le signal est positif une fois qu’on voit ses résultats être certifiés. » C’est pourquoi Audrey Yvert tient à faire auditer les progrès de l’entreprise en la matière, à intervalles réguliers. « Il faut prouver la sincérité de la démarche, en agrégeant des données concrètes » , assure-t-elle, indiquant utiliser la solution de gestion d’empreinte de carbone de la startup Sweep.

La directrice de l’impact juge, par ailleurs, qu’il est crucial que les entreprises mettent en commun leur expériences pour tirer les bonnes pratiques.

Elle assure ainsi être en contact avec ses homologues de Contentsquare et d’Ÿnsect. Le co-fondateur de l’AgriTech, Jean-Gabriel Levon, occupe d’ailleurs le poste de directeur de l’impact depuis 2011. « Avec cette direction transversale composée de trois personnes, nous cherchons à quantifier et analyser les impacts de l’entreprise sur ses environnements, d’anticiper et de guider les équipes pour faire mieux » , souligne-t-il.

Ne pas verser dans le greenwashing

Le dirigeant, qui se réjouit que « l’activité d’Ÿnsect ait créé une chaîne de valeur vertueuse » en évitant et en séquestrant plus de CO2 qu’elle n’en émet –, a notamment mis en place une comptabilité carbone en sus de la comptabilité classique. Elle a également parié sur les fermes verticales pour réduire l’empreinte au sol, et institué le programme TerrHa 2040 qui vise à réduire les émissions des itinéraires techniques agricoles et à renforcer la biodiversité locale des filières blé et colza voisines de ses usines.

Cette expérience d’une dizaine d’années est riche en enseignements pour les autres startups de l’écosystème, qui veulent, à leur tour, rendre des comptes. « L’écologie et la durabilité sont des thématiques nécessitant un suivi rigoureux et quotidien. Les postes comme les nôtres sont essentiels à l’activité de toute entreprise, quel que soit son secteur » , tranche ainsi Jean-Gabriel Levon, qui alerte quant à l’urgence d’agir pour « atteindre les objectifs des accords de Paris, alors qu’il est temps de se saisir collectivement du sujet au regard du dernier rapport Giec ».

Un terme trotte, cependant, dans la tête des directeurs et responsables de l’impact : le greenwashing« Cela nous fait peur, reconnaît Audrey Yvert. Certaines personnes peinent encore à voir l’expertise que requièrent nos fonctions. » Le risque étant de se faire tourner en ridicule, comme cela a été le cas des chief happiness officers. Antoine Msika travaillait précédemment à la communication de Shine. C’est lui qui a insisté pour obtenir un poste à part entière à la transition écologique, afin de gagner en clarté : « On court un risque quand les limites ne sont pas définies. Des choses très positives se passent, et il ne faudrait pas que le message soit brouillé par de telles accusations. »

Une incitation à être irréprochable, également reçue à OpenClassrooms : « Séparer les postes apporte une première garantie, car cela montre que des moyens sont accordés à ces questions. Reste à démontrer l’utilité de cette organisation. » Toujours est-il que l’évolution des législations, européenne et française, incitera les entreprises à satisfaire davantage d’exigences. « Autant préempter dès aujourd’hui la manière dont l’impact sera pensé dans le pays » , glisse Audrey Yvert, d’après qui cela devra passer par des KPIs visant à attester du sérieux de la démarche.

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Interview paru dans les Echos le 30/11/2021 ICI

Clarisse Magnin-Mallez est directrice générale de McKinsey France. Elle rappelle que, pour être au cœur de la stratégie, la responsabilité sociétale et environnementale doit être incarnée par le dirigeant, tout en infusant au sein de toutes les parties prenantes.

Quels sont, selon vous, les impacts de la Cop26 sur les entreprises ?

Avant même la Cop26, les entreprises avaient pris conscience de la nécessité de s’engager en faveur de la transition environnementale. Le pourquoi y aller était déjà établi, avec des motivations allant de la continuité et la conformité de leurs activités, jusqu’à la position concurrentielle, en passant par l’attractivité auprès des talents ou encore les aspirations sociétales constatées chez les collaborateurs d’aujourd’hui et de demain, les clients, etc.

En revanche, nombre d’organisations s’interrogent encore sur le comment et sur la façon d’accélérer. L’heure est donc au « less talk, more action » [moins de discours, plus d’action, NDLR] car, aux yeux de tous, l’entreprise du XXIe siècle a vocation à aller au-delà de sa propre rentabilité.

Comment cette accélération est-elle possible ?

En faisant prendre conscience aux entreprises qu’il est question de valeur économique. A l’heure actuelle, plus de 70 % de la valeur économique est créée par les entreprises qui génèrent simultanément des externalités négatives. Néanmoins, nombre de ces acteurs réalisent qu’ils sont aussi des vecteurs majeurs de solutions, même si peu savent précisément établir le bilan économique de leur développement durable.

Quand nous interrogeons les entreprises sur la valeur induite par leur stratégie RSE , un quart répond qu’elle est réelle, près d’un quart évoque une source de coûts supplémentaires et 35% estiment qu’elle n’engendre ni surcoût, ni valeur additionnelle. Plus surprenant encore, près d’un quart ne sait pas si celle-ci génère de la valeur ou pas. Les entreprises manquent encore d’outils de mesure pour évaluer finement les effets économiques et environnementaux de leurs plans d’actions.

Dans ce contexte, quel est le rôle du dirigeant ?

Le dirigeant doit incarner le changement. C’est à lui d’établir la vision qui, même si elle n’est pas parfaite, doit être relativement stable pour servir de cap dans la durée. Et son rôle est à la fois défensif et offensif.

Défensif, car il doit prévenir toute remise en cause de l’entreprise par ses diverses parties prenantes. Auprès de ses clients, il doit préserver ses parts de marché en assurant la désirabilité de ses produits et services. Face aux investisseurs, il doit parer l’effet « coup de poing » d’une augmentation du coût du capital sur ses actifs bruns.

Offensif, car l’on attend du dirigeant une réflexion stratégique. Il lui faut déterminer les opportunités à la fois d’investissement sur des activités vertes nouvelles, de substitution ou de transformation des actifs polluants par des alternatives propres, et enfin de limitation des externalités négatives pour les activités ne pouvant être dépolluées mais offrant une indéniable plus-value sociétale. En parallèle, il doit décarboner ses opérations en réduisant les gaspillages et en réfléchissant au rapprochement de certains pans de sa chaîne de valeur (near-shoring).

En avançant progressivement, ou partiellement, l’entreprise ne risque-t-elle pas d’être taxée de « green washing » ?

Effectivement, de nombreux dirigeants font part de leur inquiétude quand il s’agit de communiquer, craignant que leurs efforts soient jugés insuffisants ou que cela les expose. A l’inverse, un dirigeant activiste peut lui aussi effrayer les marchés. Du fait de la multiplicité des parties prenantes, la communication doit s’articuler autour d’un discours ambitieux et de preuves d’avancées tangibles.

Une petite minorité d’entreprises indexent ainsi 30 % du bonus des membres du comité exécutif à des résultats en matière de décarbonation. Une fois de plus, la vision RSE ne doit pas se dissocier de celle de la création de valeur, sinon il sera notamment difficile de lever des fonds. Autant dire que, pour le dirigeant, la transition environnementale est toujours un chemin de crête et parfois un chemin de croix.

Le dirigeant a-t-il néanmoins des soutiens au niveau de la gouvernance ?

Les pratiques sont hétérogènes d’une entreprise à l’autre. Certaines ont créé une direction RSE. D’autres font porter la stratégie de développement durable par les opérations, au niveau des achats par exemple. Ailleurs, ce sont les directions financières, via leurs outils de Reporting et de financement. Quel que soit le modèle, il fonctionne si le sujet est proche du PDG. C’est la condition pour que la transition environnementale infuse tous les maillons de l’organisation.

La question doit également être positionnée au cœur du pilotage de la transformation de l’entreprise, en prenant en compte l’impact généré hors du seul périmètre de l’entreprise, c’est-à-dire au niveau des partenaires et fournisseurs. C’est là que se situent les émissions que l’on a coutume d’appeler le scope 3 [ les émissions de gaz à effet de serre induites par l’approvisionnement, le transport… NDLR ], correspondant, pour beaucoup d’entreprises, à plus de 80% de leur empreinte carbone.

Quelle est la part de la finance durable ?

Je suis optimiste sur l’intégration, dans les financements, des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). On peut s’attendre à une fusion prochaine des standards de finance internationale en ce sens. Certes, des freins subsistent, en particulier sur la question d’une approche « auditable » des pratiques ESG. Reste que nous observons une forte augmentation des actifs ESG, qui devrait s’accélérer sous l’impulsion d’un coût du carbone plus élevé et d’une matérialité plus forte du risque climatique.

Qu’en est-il des enjeux en matière de ressources humaines ?

Si les conditions d’une transition fluide sur 30 ans sont réunies, atteindre la neutralité carbone en Europe pourrait certes détruire 6 millions d’emplois, mais en créer simultanément 11 millions. La France en serait parmi les bénéficiaires. Le défi est toutefois d’ampleur : jusqu’à 18 millions d’européens devraient être requalifiés . C’est à l’échelle des grands bassins d’emplois et des entreprises qu’il faudra modéliser les besoins de compétences critiques, mettre en œuvre les parcours de formation adaptés et accompagner la mobilité sectorielle ou les réorientations vers les nouveaux métiers générés par la transition. Voilà un autre sujet, central, de direction générale.

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