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Un article de Anne DAUBREE dans La Gazette Nord Pas de Calais ICI

Les entreprises s’engagent-elles au titre de la RSE, responsabilité sociétale de l’entreprise, ou du mécénat ? La frontière devient floue entre les deux démarches. Au bénéfice d’une plus grande cohérence, mais aussi, avec le risque de délaisser certaines causes…

De plus en plus, volontairement ou sous la contrainte de la loi, les entreprises s’investissent dans des missions qui dépassent leur seul objet économique. Le statut d’entreprise à mission, défini par la loi Pacte de 2019 et le mécénat encadrent les démarches volontaires.

Mais la RSE, Responsabilité sociétale d’entreprise, s’impose aux sociétés qui dépassent les seuils de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et 500 salariés… Dans ce cadre complexe, comment agissent les entreprises, qui combinent les deux approches ? Se dirige-t-on «vers la généralisation de l’alignement RSE/mécénat ?». La question a fait l’objet d’une récente table ronde, dans le cadre du Forum annuel d’Admical, association qui réunit quelque 200 entreprises mécènes.

Premier constat, ce phénomène est effectivement en train se réaliser. Il se traduit par une structuration dans les entreprises, ont confirmé les quatre intervenants, au profil pourtant très différent. «Aujourd’hui, cette question traverse toutes les organisations qui déploient des démarches de mécénat et de RSE. Le sujet est crucial en matière de lisibilité des actions. Souvent, pour les bénéficiaires, il n’est pas facile de les distinguer», confirme Arthur Toscan du Plantier, directeur de la stratégie RSE, mécénat et communication pour Emerige. Chez ce spécialiste de l’immobilier, équipé d’un fonds de dotation, RSE et mécénat sont tous deux liés à la direction de la stratégie de l’entreprise. 

Même tendance chez Evolem, family office spécialiste de l’investissement dans des entreprises durables. Dès l’origine, le fondateur de l’entreprise, Bruno Rousset, a visé des enjeux sociétaux. Et depuis janvier dernier, une équipe de quatre personnes est chargée de la politique RSE de l’entreprise et du pilotage du mécénat. «Il s’agit d’avoir une vision stratégique, de ne pas faire de bricolage», explique Ségolène de Montgolfier, directrice RSE de la société. Cette structuration est le fruit d’une évolution progressive. La société a initié une démarche de mécénat en créant un fonds de dotation en 2014. En parallèle, Evolem a déployé une politique RSE «au fil de l’eau, en lien avec la philanthropie», ajoute Ségolène de Montgolfier. Entre les deux démarches, existait déjà un pont : le mécénat de compétences.

Faut-il se concentrer sur un même sujet ?

La démarche du groupe M6 va dans le même sens d’une convergence entre les deux démarches, mais questionne une autre facette du sujet : faut-il soutenir des causes en rapport avec l’objet de l’entreprise ? La fondation du groupe, qui soutient des projets concernant l’univers carcéral depuis douze ans, préexiste à la politique RSE de l’entreprise.

Mais en 2020, une direction de l’engagement a été mise sur pied, chargée de la politique RSE et de la fondation. «Nous avons des méthodologies assez similaires pour les deux sujets, même si les positionnements sont très différents puisque le but de la fondation n’est pas liée à l’activité du groupe», explique Isabelle Verrecchia, déléguée générale de la Fondation et directrice de l’engagement du Groupe M6. La séparation des sujets est même érigée en principe : la fondation a exclu de son champs le soutien à des projets audiovisuels sur le thème carcéral.

C’est tout l’inverse chez Identicar, spécialiste des garanties et services automobiles. Les projets accompagnés dans le cadre du mécénat et l’activité de l’entreprise sont volontairement liés, voire, se confondent… Au départ, «il y a quatre ans, nous sommes partis avec un fonctionnement séparé entre la RSE et le mécénat, en créant une fondation. La PME faisait du business et la fondation, de la philanthropie», expose Olivia Féré, déléguée générale de la Fondation Identicar, qui se consacre à la «mobilité solidaire» (par exemple, dans le cadre de l’insertion professionnelle).

Depuis, les démarches ont en quelque sorte fusionné. La «mobilité solidaire» est devenue «un axe stratégique de l’entreprise. Nous le traitons comme les autres projets, avec le même professionnalisme», détaille Olivia Féré : une équipe de quatre personnes élabore des offres «non profit» et travaille avec des associations identifiées dans le cadre de la fondation.

Efficacité accrue et causes oubliées

La démarche d’Identicar découle d’un souci d’efficacité, car elle permet de «combiner plusieurs leviers», explique Olivia Féré. «Nous avons choisi de lier cause soutenue par la fondation et cœur du business, car en philanthropie, on apporte de l’argent. Or, en tant que PME, nous ne disposons pas d’un budget énorme. Alors, pour optimiser notre soutien financier, nous le combinons avec d’autres actions : nous apportons de la compétence, notre réseau...». Par exemple, Identicar pourra aider un loueur solidaire, accompagné dans le cadre de sa fondation, à trouver un assureur aux tarifs abordables…

Autre regard, celui du groupe M6, qui souligne l’intérêt et les difficultés à dissocier les thématiques. Comme un rappel à la spécificité des démarches, RSE et mécénat. «Le mécénat peut permettre de faire un pas de côté par rapport à l’activité de l’entreprise, et d’aller vers des sujets où l’on n’est pas attendu. Au départ, nous avons été interrogés sur notre légitimité. C’était une difficulté, mais aujourd’hui, nous sommes identifiés comme un acteur sur le sujet. Le mécénat permet d’être un laboratoire d’expérimentations, alors que la RSE est liée à la performance. Elle accompagne des changements en interne . (..). Toutefois, cette fondation contribue à la performance, via la fierté d’appartenance à une entreprise qui a fait ce pas de côté», analyse Isabelle Verrecchia. 

Pour Ségolène de Montgolfier, aussi, il demeure une distinction de nature entre RSE et mécénat. «La RSE a une dimension moins libre, car elle va aller questionner les pratiques des métiers. Le mécénat, en revanche, n’a pas forcément vocation à être lié au business». A ce titre, souligne Arthur Toscan du Plantier, l’alignement trop strict entre mécénat et RSE comporte un risque : celui des potentielles «causes oubliées», car ne correspondant pas à la problématique interne des entreprises…

Article écrit par ARTHUR LE DENN dans Maddyness le 02/12/2021 ICI

Les postes de directeur de l’impact fleurissent dans les startups. La prise de conscience des acteurs de l’écosystème en matière sociale et environnementale les conduit à structurer leur stratégie, bien que les périmètres et moyens d’action restent flous. Un point fait toutefois consensus : la nécessité d’obtenir des certifications.

Ne pas réitérer les erreurs commises dans le passé. C’est, en somme, ce que mettent en avant les startups qui se saisissent des sujets à impact, tels que la transition écologique ou la responsabilité sociale. 

« Les startups sont les prochains grands groupes. Prendre le pli dès les premières années d’existence sous-entend que les règles de bonne conduite seront suivies par la suite » , expose Antoine Msika, responsable de la transition écologique de Shine.

La néo-banque est l’une des premières jeunes pousses à dédier un poste entier à cette question, depuis septembre 2021.

Mais elle s’inscrit dans une mouvance plus générale : OpenClassrooms a, dès le mois suivant, créé une direction de l’impact. « Cela devient un sujet incontournable dans l’écosystème. Quand je cherchais un poste dans ce domaine, il y a quelques mois, plusieurs postes étaient disponibles dans les entreprises du French Tech 120 » , relève Audrey Yvert, qui en est désormais à la tête.

Les périmètres d’action restent à délimiter

Pas plus tard que cette semaine, Contentsquare a annoncé avoir recruté l’ancienne directrice de la French Tech, Kat Borlongan, au poste de responsable de l’impact.

Et ces professionnels s’accordent à dire que le travail de structuration ne fait que démarrer. Si les thématiques de l’inclusion et la diversité, depuis tombées dans l’escarcelle d’Audrey Yvert, étaient déjà abordées par les ressources humaines d’OpenClassrooms, « tout reste à créer » sur le plan environnemental selon la directrice de l’impact.

« Les petits gestes pour la planète étaient déjà nombreux dans l’entreprise, note-t-elle. Il n’y avait plus de plastique à mon arrivée, et les salariés en télétravail se voyaient déjà rembourser la moitié de leur facture d’électricité si celle-ci est propre. » Pour réduire drastiquement l’empreinte carbone de la société, des actions plus fortes sont toutefois nécessaires. « Nous n’avons, à ce stade, que notre bilan carbone annuel. Il va falloir interroger tous les processus métiers pour faire la différence » , assure-t-elle, avec notamment le souhait d’améliorer l’efficacité énergétique des serveurs.

Les serveurs sont également en ligne de mire chez Shine, où Antoine Msika, précédemment responsable de la communication et des relations publiques au sein de l’entreprise, pointe aussi le fait que « tout est à inventer » . « Seule la philosophie est claire : mesurer et réduire notre empreinte carbone, en embarquant aussi bien les clients que les salariés. » 

La néo-banque a obtenu les certifications B Corp et 1 % pour la planète – ce qui l’engage à reverser 1 % de son chiffre d’affaires à des associations qui luttent pour la préservation de la planète. « Chaque année, nos clients attribuent à la structure de leur choix la moitié de la somme et nos 130 salariés affectent l’autre moitié » , pointe le responsable de la transition écologique qui, comme OpenClassrooms, relève qu’une « sensibilité » aux sujets RSE se fait sentir au sein de l’entreprise.

Son périmètre d’action, amené à s’élargir, dépendra de la manière dont se décompose l’empreinte carbone. L’implication des différentes équipes en dépend : « On a lancé une campagne de pub dans le métro parisien. Dès à présent, je confronte le marketing à ces problématiques afin que la prochaine puisse être plus vertueuse encore. »

Les certifications sont l’alpha et l’omega

Se tenant « ouverts aux propositions des salariés » , Antoine Msika et Audrey Yvert affirment ne rencontrer « aucune difficulté à trouver des gens motivés » pour prendre une part active dans la stratégie RSE de leurs entreprises respectives. « Ils semblent se satisfaire que de telles initiatives soient prises. C’est une fierté pour eux, car c’est rare que des entreprises de cette taille sanctuarisent un poste à cette cause » , note Antoine Msika, qui observe que les entreprises « attendent souvent que les obligations légales s’appliquent à elles à partir de 500 salariés » pour structurer cet aspect de leur activité.

OpenClassrooms, qui dispose du statut d’entreprise à mission, implique les représentants du personnel dans chacun de ses rapports annuels. « Des expertises utiles, disséminées à travers la société, sont les bienvenues » , indique Audrey Yvert, se réjouissant notamment de compter des salariés de nombreuses nationalités lorsque vient le moment d’aborder le thème de la multiculturalité.

La directrice de l’impact d’OpenClassrooms estime que le seul fait de consacrer un poste aux problématiques liées à la RSE « ne traduit pas une ambition. Le signal est positif une fois qu’on voit ses résultats être certifiés. » C’est pourquoi Audrey Yvert tient à faire auditer les progrès de l’entreprise en la matière, à intervalles réguliers. « Il faut prouver la sincérité de la démarche, en agrégeant des données concrètes » , assure-t-elle, indiquant utiliser la solution de gestion d’empreinte de carbone de la startup Sweep.

La directrice de l’impact juge, par ailleurs, qu’il est crucial que les entreprises mettent en commun leur expériences pour tirer les bonnes pratiques.

Elle assure ainsi être en contact avec ses homologues de Contentsquare et d’Ÿnsect. Le co-fondateur de l’AgriTech, Jean-Gabriel Levon, occupe d’ailleurs le poste de directeur de l’impact depuis 2011. « Avec cette direction transversale composée de trois personnes, nous cherchons à quantifier et analyser les impacts de l’entreprise sur ses environnements, d’anticiper et de guider les équipes pour faire mieux » , souligne-t-il.

Ne pas verser dans le greenwashing

Le dirigeant, qui se réjouit que « l’activité d’Ÿnsect ait créé une chaîne de valeur vertueuse » en évitant et en séquestrant plus de CO2 qu’elle n’en émet –, a notamment mis en place une comptabilité carbone en sus de la comptabilité classique. Elle a également parié sur les fermes verticales pour réduire l’empreinte au sol, et institué le programme TerrHa 2040 qui vise à réduire les émissions des itinéraires techniques agricoles et à renforcer la biodiversité locale des filières blé et colza voisines de ses usines.

Cette expérience d’une dizaine d’années est riche en enseignements pour les autres startups de l’écosystème, qui veulent, à leur tour, rendre des comptes. « L’écologie et la durabilité sont des thématiques nécessitant un suivi rigoureux et quotidien. Les postes comme les nôtres sont essentiels à l’activité de toute entreprise, quel que soit son secteur » , tranche ainsi Jean-Gabriel Levon, qui alerte quant à l’urgence d’agir pour « atteindre les objectifs des accords de Paris, alors qu’il est temps de se saisir collectivement du sujet au regard du dernier rapport Giec ».

Un terme trotte, cependant, dans la tête des directeurs et responsables de l’impact : le greenwashing« Cela nous fait peur, reconnaît Audrey Yvert. Certaines personnes peinent encore à voir l’expertise que requièrent nos fonctions. » Le risque étant de se faire tourner en ridicule, comme cela a été le cas des chief happiness officers. Antoine Msika travaillait précédemment à la communication de Shine. C’est lui qui a insisté pour obtenir un poste à part entière à la transition écologique, afin de gagner en clarté : « On court un risque quand les limites ne sont pas définies. Des choses très positives se passent, et il ne faudrait pas que le message soit brouillé par de telles accusations. »

Une incitation à être irréprochable, également reçue à OpenClassrooms : « Séparer les postes apporte une première garantie, car cela montre que des moyens sont accordés à ces questions. Reste à démontrer l’utilité de cette organisation. » Toujours est-il que l’évolution des législations, européenne et française, incitera les entreprises à satisfaire davantage d’exigences. « Autant préempter dès aujourd’hui la manière dont l’impact sera pensé dans le pays » , glisse Audrey Yvert, d’après qui cela devra passer par des KPIs visant à attester du sérieux de la démarche.