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Finance-CC-PixabayLes Social Impact Bonds pourraient bien augurer d’une refonte majeure du rôle de l’État.

Un article de Gaspard Koenig, président du think-tank Génération Libre.

Auteur de romans et d’essais, il intervient régulièrement dans les médias. Son dernier livre Le révolutionnaire, l’expert et le geek est paru chez Plon cette année.

 

La finance semble n’être pas l’ennemie de tout le monde au gouvernement.

Notamment pas de Martine Pinville, secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire, qui a lancé la semaine dernière le premier appel à projets français pour des « contrats à impact social », la traduction française d’une idée britannique : les « social impact bonds » (SIB).

Le principe en est simple : des investisseurs privés financent une action sociale, et sont remboursés par l’État (intérêts compris) en fonction de sa réussite, mesurée par des indicateurs précis établis dès la conception du projet.

Libre bien sûr à la structure intermédiaire qui réunit les fonds d’utiliser les instruments inventés par les marchés financiers (d’où l’émission de bonds, obligations dont le rendement devient donc lié à la performance sociale). C’est l’investisseur qui supporte le risque, tandis que les finances publiques sont épargnées en cas d’échec.

Nous disposons désormais du recul nécessaire pour évaluer les SIB.

Le premier a été lancé en 2010 au Royaume-Uni par Social Finance UK, une organisation caritative fondée par le charismatique venture capitalist Ronald Cohen. Environ 5 millions de livres ont été levées auprès de 17 investisseurs, pour l’essentiel des fondations.

L’objectif : réduire le taux de récidive des délinquants de la prison de Peterborough de 7,5 %. Les premiers résultats, parus en août 2014, faisaient état d’une réduction de 8,4 % sur les deux premiers groupes tests. Les paiements aux investisseurs devraient donc être effectués cette année. Depuis, une cinquantaine de SIB ont été lancés dans le monde, comme à Londres pour loger les sans-abri, ou aux États-Unis pour limiter la récidive des prisonniers sortant de Rikers Island.

Les autorités françaises lorgnent depuis longtemps sur les SIB.

Le principe en a été étudié dans le cadre d’une task force du G8, où participait le Comité français sur l’investissement à impact social. Deux think tanks, l’Institut de l’entreprise et GenerationLibre, ont récemment publié des rapports plaidant pour une introduction des SIB en France.

Le contexte y est particulièrement favorable, avec, côté investisseurs près de 2 milliards d’euros déjà consacrés tous les ans à l’investissement social, et côté acteurs, plus de 2 millions de personnes travaillant dans des secteurs liés à l’économie sociale et solidaire.

Seule une certaine réticence idéologique peut expliquer le retard pris. Mais il devrait être vite comblé, et le premier appel à projets a d’ores et déjà suscité les vocations : accompagnement des mineurs en difficulté dans le Nord, programmes d’activité physique pour les personnes âgées, lutte contre le surendettement…

Refonte majeure de l’État

Les SIB pourraient bien augurer d’une refonte majeure du rôle de l’État. Depuis la construction du Canal du Midi, que Colbert avait confiée à un entrepreneur, Pierre-Paul Riquet, en échange des droits de péage, l’État moderne cherche la manière la plus efficace de faire faire plutôt que de faire.

Les délégations de service public ont prouvé leurs limites, dans la mesure où elles reposent sur une logique de servitudes difficilement contrôlables. Les partenariats public-privé, à la mode dans les années 1990, ont nourri de multiples scandales : le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet dénonce des clauses contractuelles souvent déséquilibrées, qui, in fine, font peser une grande partie du risque financier sur les collectivités locales.

Les SIB renversent cette logique : ce n’est plus le respect d’un contrat qui est évalué, mais le résultat d’une action. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient nés au Royaume-Uni, le pays de la « Big Society », chère à David Cameron (du moins lors de son premier mandat) : via les écoles autonomes, les mutuelles de service public ou les SIB, l’État laisse l’initiative aux acteurs de terrain. Il finance ce qui marche.

L’économie sociale et solidaire a un seul défaut : son nom. L’économie de marché est par essence, comme l’explique l’historienne Laurence Fontaine, une conquête sociale. Et l’individu libéré de la tutelle du pouvoir central peut d’autant mieux faire acte de solidarité.

Les SIB nous montrent en tout cas que la finance peut être notre amie. C’est toute la magie de ce que Tocqueville appelait « l’intérêt bien compris »…

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Contrepoints

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Plus personne aujourd’hui ne peut résumer l’ESS à une économie du pansement, à en pointer les limites et insuffisances.

Jean Paul Delevoye

Je souhaite vous faire partager cet article de Jean-Paul Delevoye, Président du Conseil économique, social et environnemental, présent à cette Semaine de l’entrepreneuriat social.

Le voile des illusions se déchire chaque jour un peu plus. La chute du mur de Berlin annonçait le triomphe de l’économie libérale seule capable d’assurer plein emploi, richesse individuelle et collective, progrès social, libertés politiques et bonheur. Cette période semble révolue et l’on en vient à se demander si le capitalisme n’a pas perdu avec le communisme son meilleur ennemi.

  • Inégalités. Le décrochage entre performance économique et performance sociale s’accroît. Le monde n’a jamais été aussi riche mais les inégalités augmentent et les poches de précarité partout subsistent et parfois s’étendent. Les capacités de production et de consommation n’ont jamais été aussi développées mais le monde compte plus de 200 millions de chômeurs, la France plus de 3 millions.

Les individus sont libres dans leurs choix et leurs appartenances mais leurs perspectives d’avenir sont marquées par la peur du déclassement et la morosité. Il nous faut faire le deuil de ces mythes anciens et dans cette société nouvelle, revoir notre rapport à l’activité, aux biens non matériels, à la pauvreté.

 

  • Vitalité. L’économie sociale et solidaire est à la croisée de cette nouvelle réflexion et du renouvellement des modes de gouvernance dans les entreprises en lien avec cette forte demande de participation. L’avis rendu par le CESE en janvier 2013 sur saisine du Ministre Hamon, rappelant sa part de 7 à 10% du PIB, a très clairement affirmé que l’ESS représentait aujourd’hui une économie à part entière et qu’elle a souvent défriché des besoins émergents, devenus depuis de véritables marchés. Plus personne aujourd’hui ne peut résumer l’ESS à une économie du pansement, c’est-à-dire à en pointer les limites et insuffisances.

A leur tour, de nouvelles économies font montre d’une grande vitalité : l’économie de l’immatériel et du numérique et ses 750 000 emplois créés en France sur les quinze dernières années ; l’économie du troc, collaborative, de fonctionnalité et les 17 millions de visiteurs par mois du «bon coin», les 600 000 covoyageurs mensuels de blablacar ; ou encore, l’économie circulaire et sa promesse de 700 milliards de dollars d’économie annuelle sur la production des biens de consommation.

  • Métamorphose. Cette fertilité naît souvent au plus près des territoires et de la capacité à créer sur ces environnements locaux de véritables communautés d’intérêts avec un désir de vivre et de faire ensemble. Il nous faut donner à voir cette richesse de l’initiative et de l’innovation car, comme le disent si bien les Indiens Kogis : «on entend souvent le bruit des arbres qui tombent, jamais celui des arbres qui poussent».

Nous avons en effet longtemps pensé notre futur comme la simple et cartésienne projection de notre présent. Si vous partagez l’idée que nous ne vivons pas une crise mais une métamorphose de société, alors le futur devient la contestation du présent.

Cela pose deux questions majeures :

1- Quels accompagnements mettre en place et quelle implication des acteurs de régulation et de conduite du changement pour que la douleur de la perte d’un monde ancien n’occulte pas les perspectives d’avenir d’un monde nouveau qui s’ouvre et peut être un formidable révélateur d’espérances ?

2-Nous qui sommes en responsabilité, jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour accepter d’ouvrir des débats et des questionnements qui viendront remettre en cause les structures qui assoient notre confort, notre statut, notre rémunération, notre pouvoir ?

L’ESS nous interroge sur nos modèles économiques, sur nos modes de gouvernance, sur nos normes mais le questionnement fondamental qu’elle amène reste le suivant :

  • Notre système économique et social actuel est-il facteur de bien être et d’espérance pour nos concitoyens ?
  • Que faire pour qu’il le reste ou le devienne davantage dans une société en pleine mutation et en pleine incertitude sur son avenir ?

Retrouvez l’intégralité de l’article

libération

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