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Volet 1/3 de l’enquête Le lithium, l’or blanc de l’économie « verte » ? sur Reporterre ICI

Présents dans les batteries de voitures électriques, le lithium est présenté comme un métal essentiel à la transition énergétique. La demande est appelée à exploser, la course à l’« or blanc » a démarré.

Batteries de nos téléphones, de nos ordinateurs portables ou appareils photo, confection d’objets en verre et en céramique, traitement pour patients souffrant de bipolarité…

Le lithium est un métal déjà présent dans notre quotidien. Il est même présenté comme l’une des matières premières essentielles à la transition énergétique, capable d’optimiser la performance des batteries. L’intérêt économique qu’on lui porte au niveau mondial est indéniable. Et pour cause.

Comme Reporterre l’expliquait dans son enquête sur les fausses promesses de la voiture électrique, alors qu’un vélo électrique ne contient que 300 grammes de lithium, une voiture électrique en requiert au minimum 10 kilogrammes (kg). Une Tesla en contient 80 kg. Un bus, jusqu’à 200 kg…

Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), en 2020, la demande en lithium provient à 79 % du secteur de l’électromobilité.

Et celle-ci devrait fortement augmenter : de 50 millions d’unités en 2025, le nombre de véhicules électriques en circulation dans le monde passera à 135 millions en 2030, selon un rapport de l’Institut de relations internationales et stratégiques français (Iris). La demande mondiale en batteries ion-lithium serait multipliée par dix à l’horizon 2030, versus 2020. La Chine, elle, concentrera la plus grande partie de la demande totale de batteries d’ici 2030, et l’Union européenne (UE) deviendra le deuxième marché mondial.

Avec une telle demande, les besoins mondiaux en lithium sont amenés à exploser. Cette industrie continuera à croître de 20 % par an, selon Ricardo Ramos, directeur général de Soquimich, l’une des plus importantes entreprises minières de lithium au Chili. De près de 80 000 tonnes de ce métal produites dans le monde en 2019, « la demande globale en 2030 pourrait atteindre plus de 2 millions de tonnes », précise-t-il dans un communiqué de presse.

L’Europe va elle aussi devenir très gourmande en lithium. « Rien que pour les batteries des voitures électriques et le stockage énergétique, l’UE aura besoin de 18 fois plus de lithium d’ici à 2030 et jusqu’à 60 fois plus d’ici à 2050 », a ainsi annoncé Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne et coordinateur de l’Alliance européenne pour les batteries.

La Commission a ainsi ajouté le lithium à la liste des matières premières critiques, celles présentant un risque élevé de pénurie d’approvisionnement. Elle a aussi proposé en septembre 2020 un plan d’action visant à réduire sa dépendance vis-à-vis de pays tiers, et ainsi garantir l’approvisionnement du Vieux continent.

En France, le gouvernement présente l’auto électrique comme une solution au dérèglement climatique, et une opportunité pour relancer la sacro-sainte croissance après la pandémie de Covid-19. Il annonçait ainsi en 2020 un plan de soutien à l’automobile pour réussir « les deux révolutions technologiques les plus importantes depuis l’invention du moteur à explosion : celle de la motorisation électrique et du guidage autonome ».

Le « Triangle de l’or blanc »

Ces bolides électriques permettraient, selon les dirigeants, de tourner la page des énergies fossiles et plus particulièrement du pétrole. Mais le lithium est une ressource qui, comme le pétrole, n’est pas infinie. « Par définition, une fois que vous avez acheté votre lithium pour faire votre batterie, vous pouvez espérer l’utiliser durant dix ans, puis recycler, au moins partiellement, le lithium en fin de vie, explique auprès de Reporterre Philippe Bihouix, ingénieur et auteur de nombreux essais sur les ressources minérales. Avec le pétrole, il faut sortir des milliards de barils chaque année. Vous êtes biberonnés à la source. Les ordres de grandeur sont donc différents en termes de quantités et de prix. »

Découvert en 1817 par le Suédois Johan August Arfwedson (1792-1841), le lithium est présent dans plus de 145 types de minerais, mais n’existe jamais à l’état natif sous forme métallique.

On peut le trouver dissout dans des fluides tels que les saumures, les eaux souterraines géothermales ou l’eau de mer. Mais aussi sous forme solide au sein du réseau cristallin de minéraux. Les sources de gisements de lithium sont nombreuses, mais toutes ne permettent pas une exploitation industrielle. Sauf si les prix de vente s’envolent et justifieraient des coûts d’extraction, de traitement et de valorisation importants.

Les trois sources exploitables à ce jour sont

1 – les minéraux de roche ou pegmatites présents en Australie, aux États-Unis ou au Congo ;

2 – les roches sédimentaires type argile du Mexique ou de la Serbie ; et

3 – les saumures (salars ou déserts de sel) comme au Chili ou en Argentine. Du fait de ces différentes formes de minéralisation du lithium.

Il existe diverses formes d’extraction : soit on l’extrait des roches dures qui renferment le métal — comme en Australie —, soit on le récupère par évaporation solaire dans de grands bassins de saumure, comme dans les Andes sud-américaines.

Cette seconde méthode est la plus simple et la moins coûteuse en termes de processus industriel. Les trois pays du « Triangle de l’or blanc » — Argentine, Chili, Bolivie — sont ainsi avantagés : leur territoire regorge d’un lithium facile à extraire. Les coûts de production sont réduits et les prix de vente plus compétitifs.

La décennie du lithium ?

Ces trois pays andins rassemblent à eux seuls environ 50 millions de tonnes sur les 86 millions de ressources connues, soit 60 % du total, selon les chiffres de l’US Geological Survey.

Mais il faut distinguer les « ressources » — les quantités connues — des « réserves » — les quantités exploitables commercialement. Ainsi la Bolivie, qui possède les plus grandes ressources mondiales avec 21 millions de tonnes, n’apparaît pas dans le classement des pays qui se partagent les réserves. Elle n’a pas encore développé l’industrie qui lui permettrait d’extraire son lithium. Elle reste pour l’instant hors jeu.

C’est donc l’Australie qui reste aujourd’hui le premier producteur et domine le marché, avec 48 % de l’offre mondiale.

L’extraction du lithium de roche est coûteuse, car le processus industriel est plus complexe, mais le délai pour l’obtenir est beaucoup plus rapide : deux mois en Australie contre dix-huit mois pour l’évaporation solaire dans les Andes. Le Chili se positionne au deuxième rang (29 %) de la production mondiale, suivi par la Chine (9 %) et l’Argentine (9 %).

Dans les prochaines années, l’Australie et le Chili devraient conserver leur position de leader mais feront face à une baisse de leurs parts du marché, concurrencés par les États-Unis, le Canada et le Zimbabwe, qui devraient multiplier par dix leur production de lithium.

Quant à l’Europe, elle souhaite devenir plus indépendante vis-à-vis de cette matière critique. Elle a identifié plusieurs gisements (Portugal, Allemagne, Serbie, etc.). Mais les quantités trouvées pour le moment restent très limitées.

Le Portugal, qui aurait les plus grandes réserves du continent, en possède 270 000 tonnes… soit seulement 0,3 % des ressources mondiales. Il ne joue pas dans la même cour que l’Australie ou l’Amérique du sud.

« Le marché du lithium est petit et vulnérable. Les acheteurs et les vendeurs se partagent le monopole », analyse Barbara Jerez, docteure en écologie politique et en sciences latino-américaines à l’université de Valparaíso (Chili). 

La compétition va s’accentuer, car la conjoncture actuelle, stimulée par la transition “verte” des pays de l’hémisphère Nord, provoque une demande exponentielle. » 

En effet, dans un rapport intitulé « Le marché du lithium et l’importance du Chili » publié en août 2020, la Commission chilienne du cuivre projette une croissance constante et situe le point de rupture en 2028, date où la demande dépassera l’offre. À la fin de la décennie, l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande entraînerait une hausse des prix et le développement de nouveaux projets d’exploitation.

La décennie qui démarre pourrait ainsi être celle du lithium. Une nouvelle géopolitique mondiale de l’énergie s’annonce.

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Corinne Fernandez Handelsman a participé à la création d’un comité RSE au sein d’un grand groupe mondial. Elle témoigne ici de cette expérience. Associée chez Progress, cabinet en ressources humaines, elle est aussi administratrice indépendante depuis plusieurs années, notamment chez Ubisoft.

Corinne Fernandez Handelsman témoigne de son expérience de création d’un comité RSE au sein d’un grand groupe mondial. (DR) l’article original ICI

Je vous propose de partager mon expérience d’administratrice indépendante ayant participé à la création, en 2018, d’un comité RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) pour un groupe mondial diffusant des produits et services grand public. Ce groupe, coté sur le marché Euronext Paris, est exposé à la diversité culturelle, économique, politique et sociétale.

Parmi ses actionnaires, divers et internationaux, on compte les fondateurs, les salariés, des actionnaires individuels, quelques institutionnels, des fonds de pensions et des industriels. Leur diversité et leur exigence s’expriment directement ou se font représenter dans les assemblées générales et les réunions d’actionnaires. En outre, nous devons assurer une parfaite cohérence entre la communication auprès des clients et celle vis-à-vis des actionnaires, cohérence encore plus sensible dans un business B2C.

Le comité RSE, un « must have »

Pour rester exemplaire en matière de gouvernance, le conseil d’administration a décidé de créer un comité RSE. J’ai participé à cette création avec, pour compétence initiale, la gestion des talents.

Ma première réaction a été un mélange de plaisir et de perplexité face à l’ampleur du sujet car la RSE couvre tous les domaines de l’entreprise. Par où et comment l’appréhender ? C’était comme se trouver face à une montagne sans voir le chemin pour la gravir, ou face aux falaises d’Antigua avant d’apercevoir la passe secrète de la rade de Nelson.

Heureusement, l’entreprise avait « incubé » une équipe compétente en matière de RSE. Avec l’aide de consultants spécialisés, elle avait défini le périmètre d’action, analysé la réglementation et l’état de l’art en Europe et en Amérique du Nord, élaboré un état des lieux dans le groupe. Ce travail avait abouti à l’élaboration d’une stratégie sous la direction d’un président-directeur général profondément convaincu de l’intérêt de la démarche car elle est en cohérence avec la culture du groupe. La création d’un comité RSE a permis, dans un premier temps, de donner plus de visibilité à cette équipe dont les travaux ont été présentés au conseil d’administration.

En parallèle, la conjoncture a été favorable puisque l’industrie entière a été impactée par des problématiques de RSE. D’une année sur l’autre, dans les réunions d’actionnaires, le comité RSE qui était un « nice to have » est devenu un « must have ». Le groupe s’est retrouvé en avance sur la concurrence qui n’avait généralement pas de tel comité.

Rester humble sur ce sujet sensible

Un critère RSE a été introduit dans la rémunération variable du dirigeant aux côtés de critères liés à l’EBITDA ou au cours de l’action. Ce critère a eu pour conséquence de mettre en place des indicateurs clés de performance ( KPIs ) associés pour pouvoir suivre le degré d’atteinte des objectifs.

Cela a eu un impact sur la façon de produire, de mesurer la satisfaction des clients ou des salariés à court et moyen terme. Des enquêtes existaient, elles ont été suivies avec plus de rigueur pour être communiquées en transparence aux marchés.

Dans les grands pays où le groupe est présent, en production ou en commercialisation, les institutionnels, certains membres des gouvernements nous ont rendu visite pour contrôler la cohérence du discours avec les faits, voire pour servir d’exemple à l’industrie.

Il faut néanmoins rester humble car sur un sujet aussi sensible, les efforts de plusieurs années peuvent être détruits en un jour par un événement malheureux qui peut se produire n’importe où sur la planète. Ainsi, sans donner de leçons, j’aimerais vous livrer cinq réflexions de nature hétérogène.

  • 1. Structurer la démarche. Nous avons structuré le champ d’action et la stratégie autour de quatre thèmes : les clients ; les salariés ; les communautés (où le groupe est implanté, les associations…) ; la planète, notamment l’environnement… Je conseille cette segmentation car elle englobe tous les domaines, elle est robuste et résiste (so far !) aussi bien au temps qu’aux aléas.
  • 2. Le comité doit être divers et ouvert. Le comité RSE doit avoir des « palpeurs » sur le monde, car il faut écouter les signaux faibles. Pour maximiser les chances de les entendre, il doit être composé de membres divers en termes de géographies, de cultures, de métiers… Or comme le nombre de ses membres reste restreint (trois à quatre personnes), le comité a besoin de s’appuyer sur des enquêtes menées auprès de toutes les parties prenantes. Avoir un ou plusieurs administrateurs salariés dans le comité apporte une réelle richesse à la fois sur le point de vue des salariés mais aussi sur le business.
  • 3. Fixer des objectifs ambitieux et réalistes. Le comité RSE doit fixer des objectifs mesurables, réalistes, acceptables par l’entreprise. Il doit se tenir informé des évolutions de la société, au niveau mondial, et anticiper les risques , les évolutions de l’opinion publique, faire un effort de pédagogie s’il détecte des sujets potentiellement importants ou critiques. Si l’entreprise est consciente du risque, il n’y aura pas de problème. Si elle ne l’est pas, il faut prendre le temps de faire mûrir le sujet si on en a le temps. La façon de dire les choses compte. Sa répétition aussi, la référence à des études externes est nécessaire.
  • 4. La RSE touche aux valeurs. Il faut veiller à une cohérence réelle et profonde entre les valeurs affichées par l’entreprise et celles qu’elle pratique dans ses rapports avec ses salariés, ses clients, son environnement. La RSE touche aux valeurs non seulement de l’entreprise mais de toutes ses parties prenantes. Bien sûr ces valeurs sont relatives aux cultures, aux pays, mais un tronc commun le plus simple et le plus large possible doit être partagé, incarné.
  • 5. Travailler en synergie. Le comité RSE doit travailler en synergie avec le comité des nominations et des rémunérations sur les sujets concernant les salariés ; avec le comité de l’audit et des risques pour la gestion commune de la dimension « risques ». Ce travail transverse avant les conseils d’administration est riche et indispensable. Il faut l’organiser sachant que le planning des comités et des conseils est dense et très contraint. Ensuite, le comité RSE présente ses préconisations en conseil d’administration, en les ayant testées auprès des autres comités concernés. Cela permet d’en préparer l’argumentaire et la pédagogie.

J’espère vous avoir donné quelques pistes pour bien faire fonctionner un tel comité, l’essentiel étant de le créer dès que possible s’il n’existe pas car, si vous ne le faites pas, c’est l’agenda aléatoire des événements qui vous sera imposé et vous serez moins prêt à répondre aux interpellations de vos actionnaires. J’espère également vous avoir convaincus de son contenu riche, varié, passionnant et de son caractère stratégique.

Ce texte est issu de l’ouvrage collectif « 100+ témoignages sur la gouvernance d’entreprise. Plus de cent diplômés HEC de tous horizons partagent leur expérience des conseils d’administration », aux éditions Les Ozalids d’Humensis, 356 pages, 23 euros.

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