Que font les pouvoirs publics pour inciter les entreprises à innover pour les pauvres?
Faciliter la création d’un environnement favorable à l’innovation d’entreprise, inciter les entreprises au changement, co-oeuvrer pour plus d’impact social »: tels pourraient être les défis des pouvoirs publics.
C’est ce que propose Sarah Dekkiche, chargée de projet chez CSR Europe dans son article dont j’ai tiré quelques éléments.
Dans un souci d’innovation sociale et d’opportunités de marché, un nombre grandissant d’entreprises développent des stratégies dites « BoP » (base de la pyramide).
Au delà de la manne commerciale que ces stratégies représentent à long-terme, c’est surtout le moyen par lequel l’entreprise peut réellement se questionner, revisiter son fonctionnement (modes de production et de distribution, optimisation des process, innovation en terme de produits et services).
Néanmoins, seul un petit nombre d’entre elles peut aujourd’hui se targuer d’avoir su changer radicalement de fonctionnement et créer un modèle à la fois inclusif, reproductible et durable.
Nous entendons par business model inclusifs, les modèles qui, d’une part, intègrent les « pauvres », du côté de la demande, en tant que clients et consommateurs, et d’autre part, du côté de l’offre, en tant qu’employés, producteurs ou distributeurs, tout en générant du profit et en contribuant à la création de richesse locale.
Danone: une expérience singulière, car elle traduit un réel changement au niveau du management, du marketing.
Lancée, en 2007, par Danone au Bangladesh pour la confection et la distribution des « Shokti Doi », ces yaourts enrichis en vitamines, destinés aux enfants souffrant de malnutrition, l’entreprise a ouvert une nouvelle usine sur la base d’un business model différent de celui applicable dans nos pays, et qui peut être qualifié d’inclusif.
Si un réel bénéfice nutritionnel, et donc sociétal, a pu être mesuré dans la région (notamment en collaboration avec l’ONG GAIN- Global Alliance for Improved Nutrition), l’entreprise n’a pas encore su générer suffisamment de retour sur investissement de son modèle économique.
Comment atteindre un rendement d’échelle sur la base de business model inclusifs?
Au-delà des enjeux classiques liés aux conditions de marché, à la production, à la commercialisation et à la distribution des produits, les principaux défis demeurent inhérents aux entreprises et pour y remédier il est nécessaire :
- d’accompagner les entreprises dans la gestion du changement interne.
- ne jamais sous-estimer la valeur de la mutualisation des efforts.
- renforcer les capacités internes de l’entreprise.
- mettre en place un leadership clair, doté de prérogatives qui dépassent les frontières et le budget des activités dites RSE.
Ces projets externes doivent être portés par des personnalités fortes, des intrapreneurs (entrepreneurs à l’intérieur de leur propre structure) capables d’avoir une vision stratégique à long-terme, y croire, tout en exploitant au maximum les leviers internes à l’entreprise.
Pour autant, la coordination entre niveaux d’entreprises n’est réellement viable, que si elle répond aux valeurs et à la culture de celles-ci. La définition de la mission sociale de l’entreprise est un préalable: il s’agit de repenser la manière dont le coeur de métier de l’entreprise peut se donner une raison d’être sociale, voire sociétale.
Les entreprises pourraient, en théorie, davantage s’associer entre elles (business-to-business), dans un but de mutualisation des ressources et de partage des risques), afin d’oser le lancement, sur le marché, de produits réellement innovants ayant un impact sociétal à grande échelle, à l’instar de M-Pesa (lancé par Vodafone Safaricom et Western Union, en 2008).
De manière générale, qu’il s’agisse donc de renforcement des capacités internes ou externes, les entreprises ne sont pas suffisamment encouragées par les pouvoirs publics et bailleurs de fonds à « prendre le risque d’innover ».
L’approche des entreprises désireuses de répondre aux nouveaux défis sociaux souligne une réelle complexité interne et externe à leur structure. Il s’agit donc de soutenir ces entreprises désireuses de porter le changement, pour redécouvrir la raison d’être de l’entreprise -entreprise qui reste un projet de service privé au service de l’homme et de son environnement.
Ce rôle revient aussi aux pouvoirs publics et bailleurs de fonds, nationaux et européens, qui doivent davantage vêtir leur rôle de facilitateur. Faciliter la création d’un environnement favorable à l’innovation d’entreprise, inciter les entreprises au changement, co-oeuvrer pour plus d’impact social -pour, au final, contribuer à une croissance économique et sociale davantage intelligente, durable et inclusive.
Retrouver l’intégralité de cet article
Crédit Photo
Voila un article très intéressant, Marc! J’avais rédigé mon mémoire de DESS sur « responsabilité sociale et lutte contre la pauvreté », et l’une des conclusions auxquelles j’étais arrivé était que de tels projets, pour bien fonctionner nécessitent de créer des alliances, parfois innovantes. Avec une ou plusieurs ONG, par exemple. L’entreprise peut ainsi mettre ses compétences très spécifiques en jeu, et l’ONG, de son côté, peut utiliser le réseau qu’elle a à sa disposition pour accéder aux populations visées.
Dans le cadre de l’article que vous nous proposez, on peut aisément remplacer les ONG par les pouvoirs publics. Même si – comme vous le soulignez – ceux-ci sont plus disposés à créer un environnement favorable qu’à donner accès à des populations (pourquoi favoriser cette entreprise plutôt qu’une autre?). Mais quoi qu’il en soit, des partenariats innovants sont définitivement un aspect central de ce sujet!