Le travail décent, un enjeu de Responsabilité Sociétale.
Dans la première partie de cette analyse du rapport Boutin, nous avons vu comment nous sommes passés de Globalisation à Universalisation.
Pour ce deuxième volet, nous aborderons , comment « le travail décent » est un nouveau bien public mondial.
Le travail est l’un des points fondamentaux de notre humanité. Les efforts pour en réduire ou partager la pénibilité font partie de l’aventure humaine. Une grande partie de la dimension sociale d’un pays relève de la problématique du travail rémunéré justement (subsistance, éducation, santé,mobilité sociale, dignité humaine, etc.).
L’OIT a fait du travail décent un de ses principes fondamentaux en 1999. Contrairement à la déclaration de Philadelphie en 1944, l’enjeu n’est pas celui d’une fin de conflit mondial mais celui de répondre aux réalités de la mondialisation.
En 2008, la Conférence internationale du travail adopte la « déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable ». Le travail décent se résume ainsi : Droits fondamentaux – Accès à l’emploi – Protection sociale – Dialogue social.
Nous assimilons souvent dans nos cultures occidentales le travail au salariat, alors qu’il faudrait y intégrer le travail informel. L’OCDE a en effet montré que plus de la moitié des actifs dans le monde (1,8 milliards) travaille sans contrats ni cadre social.
En Inde, 9 employés sur 10, soit environ 370 millions de personnes, n’ont pas de sécurité sociale formelle, et l’OCDE prévoit une augmentation de plus de 30% à l’horizon 2020.
D’autre part la prise en compte des modèles familiaux et leurs spécificités culturelles sont primordiales, pour envisager une politique sociale intégrant une politique familiale.
Quels outils pour un travail décent ?
Les « TMC » ou transferts monétaires conditionnels qui permettent de lutter contre la pauvreté en développant le capital humain par un accès renforcé à la santé et à l’éducation.
En 1997 seul 3 pays avaient mis en place des « TMC », le Mexique, le Brésil et le Bangladesh, on compte en 2008 pas moins de 28 pays qui les ont adoptés.
Et cela marche, le programme Bolsa Familia est considéré comme l’un des moteurs sociaux du Brésil, et la ville de New York vient d’annoncé le déploiement de « Opportunity NYC ».
Les TMC contribuent à promouvoir des générations qui, jusqu’alors, ne pouvaient espérer qu’une vie dans les circuits informels.
La « Microfinance » est, elle aussi un outil pertinent pour avancer sur le travail décent.
Déjà présente chez les Hébreux, il y a trois milles ans, on en trouve également la trace en Europe au XVIème sous forme de mutuelles, puis au XIXème avec l’apparition des caisses d’épargne et crédits coopératifs.
Mais c’est en 1978 que le système va se développer avec Joseph Blatchford en Amérique latine et Muhammad Yunus au Bangladesh, ce dernier recevra en 2006 le prix Nobel de la Paix.
Aujourd’hui la « Microfinance » induit 2 conséquences politiques :
– Que l’assistanat n’est plus la seule réponse à la pauvreté.
– Que l’alliance est plus efficace que la seule responsabilité solidaire.
Alors à terme la « Microfinance » s’imposera-t-elle comme un outil pour tous les organismes bancaires ?
Enfin le « SPS » Socle de protection sociale est un outil qui répond à des raisons humanitaires, micro-économique et macro-économique, celles-ci peuvent se décliner dans différents pays du monde qui connaissent des différentiels de croissance marqués et créant ainsi une convergence mondiale.
Le concept est simple, un ensemble cohérent et articulé de transferts sociaux essentiels et de services sociaux fondamentaux auxquels tous les citoyens devraient avoir accès et de garantir :
– la disponibilité, la continuité et l’accès géographique et financier aux services sociaux essentiels.
– un ensemble de transferts sociaux essentiels, en espèces ou en nature, en faveur des personnes pauvres et vulnérables pour leur assurer un revenu minimum.
Il est ainsi prévu d’encourager, au niveau des pays concernés, un financement mutualisé qui associerait des contributions individuelles pour les couches sociales les plus aisées et le principe d’une contribution budgétaire pour la prise en charge des plus démunis.
Cette initiative de « SPS » regroupe actuellement, avec le BIT et l’OMS, quinze organisations internationales (agences des Nations unies comme le Pnud, la FAO, …) et organisations de Bretton Woods (FMI très impliqué et Banque mondiale) ainsi que l’OCDE.
Mettre en place des mécanismes de protection sociale dans un pays contribue à renforcer les sécurités au travail et autour du travailleur. Cela contribue donc naturellement à faire avancer le travail décent.
Définir solennellement le travail décent comme un bien public mondial.
La gouvernance mondiale est de gérer ce qui est commun à l’ensemble des populations et non pas seulement à tel ou tel État, alors l’expression « biens publics » qui s’est répandue nécessite d’être définie.
Il semble plus adapté de parler de « bien public mondial » pour désigner un bien dont la consommation par une personne n’empêche pas la consommation par une autre et dont nul ne peut être exclu.
Et c’est exactement ce qui correspond au « travail décent » qui n’est pas un bien excluable. Le fait qu’un travailleur chinois puisse bénéficier d’un cadre de travail qui corresponde au « travail décent » de l’OIT n’empêche en rien un travailleur français, africain ou américain d’être dans la même situation.
Définir le travail décent comme un bien public mondial, c’est souligner son universalité et la possibilité de rencontrer chez le travailleur de l’autre bout du monde, non seulement son concurrent mais son semblable.
En 2004, la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation voulait faire du travail décent un objectif mondial. Six ans plus tard, force est de constater que cet objectif mondial ne recouvre aucune réalité et n’a pas trouvé de réponse à la hauteur des enjeux.
Le travail décent reste un outil des organisations internationales et s’il s’agit d’un bien public mondial, il devient le cœur de la raison d’être de la gouvernance mondiale.
Dans le prochain volet de « La RSE une ambition sociale », nous aborderons en quoi la Responsabilité Sociale des Entreprises est un changement de paradigme.
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