Midi. Amanda Ramdariani, 25 ans, attend le coursier de lait maternel dans son bureau, situé dans le quartier de Slipi, à Jakarta-Ouest. Dès qu’il arrive, Amanda lui confie un petit sac contenant un biberon rempli de son propre lait maternel et lui règle sa course.
Feri, coursier de l’entreprise Arga Nirwana Express, se hâte aussitôt vers sa moto et place le biberon dans une glacière. Après avoir collecté d’autres biberons dans divers bureaux le long de l’avenue du général Sudirman (l’artère centrale de Jakarta abritant les sièges de nombreuses grandes entreprises), Feri livre les abonnées à leur domicile, où les nounous accusent bonne réception de la précieuse denrée.
C’est pour aider les femmes actives comme Amanda que Fikri a monté son entreprise de livraison de lait maternel. L’idée est partie de sa propre expérience : lorsque sa femme a accouché de leur troisième enfant, Fikri a commencé à aller chercher le lait qu’elle tirait de ses seins sur son lieu de travail afin de le rapporter à la maison pour le bébé. « J’ai alors pensé que beaucoup de femmes auraient besoin d’un tel service », raconte-t-il.
En 2005, il monte Arga Nirwana Express. Son affaire a commencé à prospérer lorsqu’en 2009 un décret du ministère de la Santé a stipulé que « tout bébé [avait] le droit d’être nourri exclusivement au lait maternel depuis sa naissance jusqu’à l’âge de 6 mois, sauf contre-indication médicale ».
Ce décret a lancé une véritable mode de l’allaitement maternel chez les femmes actives de Jakarta, avec un style vestimentaire adapté et tous les accessoires qui lui sont associés.
Ainsi Vira Madjid, 33 ans, cadre dans une banque, emporte-t-elle toujours trois sacs sur son lieu de travail. Le premier contient son ordinateur et son téléphone mobile. Le deuxième, qu’elle surnomme son « portable lait maternel », est réservé à l’équipement pour le lait. Dans le troisième sac, Vira met ses petits plats cuisinés pour son déjeuner ainsi que quelques coupe-faim vitaminés.
Maya Wulandi, 34 ans, a fait, elle, une expérience malheureuse. Elle reçoit un jour un appel de sa nounou : « Madame, il y a une panne d’électricité depuis ce matin à la maison. Ça fait déjà huit heures. Tout le lait dans le frigo a tourné. ». Elle part travailler tous les matins à 5 h 30 en moto. Elle doit pomper son lait au moins quatre fois dans la journée sur son lieu de travail car elle ne rentre pas avant 20 heures.
Après cette malheureuse expérience, son entreprise a aménagé un petit espace en salle de lactation, conformément aux recommandations du ministère de la Santé dans son décret.
Enjeux de l’allaitement
Environ 4,5 millions de bébés naissent chaque année en Indonésie. Chaque bébé, s’il n’est pas nourri au lait maternel, a besoin de 55 boîtes de lait en poudre pendant les six premiers mois, ce qui représente un coût économique au niveau national de 1,4 milliard d’euros.
Pour les nombreux foyers qui ne gagnent que 50 euros par mois et dont les mères allaitent, la somme économisée est considérable et peut être investie dans l’éducation des enfants.
Pourtant, seules 22 à 27 % des mères indonésiennes nourrissent leur bébé exclusivement au lait maternel pendant les six premiers mois. La mortalité infantile est d’environ 35 pour 1 000, la majorité des bébés mourant avant le quarantième jour. L’allaitement pourrait réduire cette mortalité de 13 à 22 %.
L’Indonésie a déjà interdit toute publicité et promotion pour le lait en poudre infantile (0 à 6 mois). Fondée en 2007 par un groupe de femmes militantes, l’Association des femmes indonésiennes qui allaitent (Aimi) a pour mission d’informer les mères sur les avantages de l’allaitement et de créer un réseau de donneuses de lait maternel pour celles qui ne peuvent pas allaiter pour raisons médicales.
Source : Courrier International / Myrna Ratna, Mawar Kusuma, Yulia Sapthiani | Kompas
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